Thérapie de couple : entre amour, attachement et réparation
Explorer les blessures, les attentes et les silences
La thérapie de couple ne vise pas à “sauver” une relation à tout prix, mais à offrir un espace où les partenaires peuvent explorer ce qui se joue entre eux : les blessures, les attentes, les répétitions, les silences. Elle permet de mettre en mots ce qui parfois agit en creux — les loyautés invisibles, les peurs d’abandon, les conflits de valeurs ou les désirs divergents.
Figures internationales et approches cliniques
À New York, la psychanalyste Orna Guralnik, connue pour son rôle dans la série documentaire Couples Therapy sur Showtime, incarne une approche à la fois rigoureuse et profondément humaine. Dans ses séances, elle invite les couples à ralentir, à écouter, à se confronter à leurs propres contradictions. Elle montre que les conflits ne sont pas des échecs, mais des points d’entrée vers une compréhension plus fine de soi et de l’autre. Son travail met en lumière les effets du passé sur le présent amoureux : les traumatismes, les héritages familiaux, les identités culturelles. Elle insiste sur la nécessité de créer un cadre sécurisé où chacun peut risquer la vulnérabilité sans être englouti par elle.
Esther Perel, autre figure internationale incontournable, explore les paradoxes du désir et de l’intimité dans le couple. Dans Mating in Captivity, elle montre comment les couples peuvent se heurter à des tensions entre sécurité et liberté, entre fusion et autonomie. Elle insiste sur le fait que “le couple n’est pas une entité figée, mais un espace vivant, traversé par des forces parfois opposées”. Pour elle, la thérapie est un lieu où l’on peut réinventer le lien, redonner du souffle à la relation, ou simplement mieux comprendre ce qui s’y joue.
Perspectives françaises : amour et attachement
En France, Boris Cyrulnik éclaire les dynamiques affectives sous un autre angle. Dans Quand on tombe amoureux, on se relève attaché, il distingue clairement l’amour — souvent fulgurant, lié au coup de foudre — de l’attachement, qui se tisse dans la durée. “L’amour, c’est le faisceau de la récompense, l’activation de la dopamine, de la sérotonine, des endorphines. L’attachement, lui, repose sur le circuit limbique, celui de la mémoire et de la sécurité”. Cyrulnik rappelle que l’attachement ne doit pas devenir engourdissant : il doit permettre l’exploration, la séparation sans crainte, le retour confiant.
Serge Tisseron, psychiatre et docteur en psychologie, ajoute une dimension essentielle : celle de la symbolisation et des images mentales. Il a beaucoup travaillé sur les secrets de famille, les effets des non-dits, et les relations aux technologies. Dans ses écrits sur l’intimité et l’extimité, il montre comment les couples peuvent se perdre dans des représentations figées de l’autre, ou dans des projections non interrogées. Pour Tisseron, la thérapie de couple est aussi un lieu de déconstruction des scénarios implicites, de mise à jour des attentes irréalistes, et de réinvention du lien.
Situations cliniques et transformations
Dans la pratique clinique, les situations sont souvent complexes, nuancées, et profondément humaines. Eddi et Jade, par exemple, viennent en consultation après dix ans de vie commune. Ils expliquent ne plus savoir comment communiquer ensemble, se sentir épuisés, ne plus s’entendre depuis l’arrivée de leur bébé. Derrière les reproches et les silences, se dessinent des enjeux de reconnaissance, de répartition des rôles, de solitude dans la parentalité. La thérapie permet ici de nommer les ressentis, de rétablir une écoute, et parfois de redonner une place au couple au-delà de la parentalité.
Fanny et Jérôme, eux, arrivent avec une tension sourde : ils ne se disputent pas, mais ne se parlent plus vraiment. Ils vivent côte à côte, dans une forme de politesse affective. La thérapie leur permet d’explorer ce qui s’est figé : les attentes non dites, les blessures anciennes, les renoncements silencieux. Elle ouvre un espace où chacun peut dire ce qu’il n’a jamais osé formuler, sans chercher à accuser, mais pour comprendre.
Jean et Marie viennent en séance après une crise violente. Ils disent ne plus se reconnaître, ne plus se supporter. Mais derrière les cris, il y a une peur de perdre l’autre, une angoisse de séparation, une confusion entre amour et emprise. La thérapie leur offre un lieu pour différencier les affects, pour penser les enjeux de pouvoir, de dépendance, et de désir.
Ania et Igor, récemment mariés, n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’achat d’un appartement ni sur l’idée d’avoir un enfant. Ce premier grief révèle en réalité des divergences profondes : rapport à l’argent, à la carrière, aux modèles parentaux, aux projections sur l’avenir. La thérapie permet ici de décrypter les enjeux sous-jacents, de faire dialoguer les représentations, et d’apprendre à connaître l’autre — et soi-même — dans le cadre du lien conjugal.
Espace de transformation et de vérité
La thérapie de couple ne promet pas la réconciliation, ni la séparation. Ce n’est pas le rôle du thérapeute de décider de l’issue. Mais elle offre un espace de vérité, de bienveillance, d’écoute, de transformation, et parfois de réparation. Elle permet de passer du “je t’aime” au “je te vois”, du “tu ne me comprends pas” au “voici ce que je ressens”. Elle invite à penser ensemble, à rêver ensemble, ou à se séparer avec dignité. Elle tisse du lien, du sens, et parfois une nouvelle manière d’être ensemble — ou de ne plus souffrir à deux.
Références
- Guralnik, O. (2020). Couples Therapy - Série documentaire, Showtime
- Perel, E. (2006). Mating in Captivity: Unlocking Erotic Intelligence. HarperCollins.
- Cyrulnik, B. (2022). Quand on tombe amoureux, on se relève attaché. Odile Jacob.
- Tisseron, S. (2011). Intimité et extimité. Albin Michel.
- Tisseron, S. (2013). 3-6-9-12 : Apprivoiser les écrans et grandir. Érès.
- Tisseron, S. (2021). Comprendre et soigner l’homme connecté. Cairn.info